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Coaching diététique

CHOISIR SES PRODUITS AVEC LE SYSTÈME NUTRI-SCORE, FAUSSE BONNE IDÉE ?

10 novembre 2022

Babsie Steger

Lors de vos courses, vous avez dû assurément croiser l’étiquetage Nutri-Score. C’est un étiquetage à 5 lettres de différentes couleurs allant de la lettre « A » en vert à la lettre « E » en rouge. Le Nutri-Score a été introduit sur la base du volontariat en France en 2017 mais la Commission européenne réfléchit actuellement à un système européen harmonisé et obligatoire d’étiquetage nutritionnel sur la face avant des emballages. Et il se peut que ce soit le système Nutri-Score qui soit sélectionné.

 

L’étiquetage Nutri-Score est censé refléter les qualités nutritionnelles d’un aliment et aider le consommateur à faire le bon choix pour sa santé. En réalité, on est loin du compte… Imaginé comme un antidote à l’obésité et aux maladies liées à la nutrition, le Nutri-Score n’a jamais réellement fait la preuve ni de sa pertinence, ni de son efficacité en conditions réelles. De plus, il est devenu un puissant outil de marketing au service des intérêts des fabricants d’aliments ultra-transformés.

Je vous en dis plus sur l’étiquetage Nutri-Score pour vous faire comprendre les enjeux et les problématiques que cela soulève.

 

  • Mais d’abord, pourquoi un étiquetage européen ?

 

La Commission européenne a proposé de rendre un étiquetage nutritionnel simplifié obligatoire en Europe d’ici la fin de l’année 2022. Elle est partie d’un constat simple : pour la majorité des consommateurs, l’information nutritionnelle (obligatoire) présente sur les aliments est incompréhensible. Elle peut aussi être manipulée ou brouillée par les fabricants (exemple un soda très sucré, donc délétère, mais qui se dit être « enrichi en vitamine C »). Pour ces raisons, la Commission veut adopter un étiquetage permettant au consommateur d’évaluer rapidement la qualité de ce qu’il s’apprête à acheter et d’éviter les éventuelles manipulations.

 

Les semaines et les mois qui viennent seront déterminants pour décider de la forme que prendra cet étiquetage, et les promoteurs du Nutri-Score se montrent particulièrement actifs pour faire pencher les décisions en leur faveur. Le Nutri-Score est soutenu par ses créateurs français, des associations de consommateurs comme l’UFC-Que Choisir et plusieurs dizaines de chercheurs en nutrition et médecins. Il est aussi défendu bec et ongles par les géants de l’agro-alimentaire comme Nestlé et Danone… ce qui, par expérience, doit être pour tous un signal d’alerte !

 

  • Comment est noté un aliment sur l’échelle Nutri-score ?

 

Le grand avantage du Nutri-Score est de ne proposer qu’une seule note, sous la forme d’une lettre sur fond de couleur, qui résume la qualité supposée des produits alimentaires et des boissons d’une même famille.  Il positionne l’aliment sur une échelle à 5 niveaux allant du produit considéré par l’algorithme comme le plus favorable sur le plan nutritionnel (classé A), au produit considéré comme le moins favorable (classé E).

 

L’algorithme du Nutri-Score repose sur le système FSA-NPS qui se fonde sur la composition en nutriments pour 100 grammes d’un aliment ou d’une boisson pour définir une note globale censée rendre compte de sa qualité nutritionnelle. Il considère qu’il y a d’un côté des nutriments qui seraient plus favorables à la santé, et de l’autre des nutriments qui lui seraient défavorables. 

-Nutriments considérés comme favorables : pourcentage de fruits ou légumes ou noix utilisés pour obtenir le produit ainsi qu’huiles d’olive, de colza ou de noix, et apport en fibres et en protéines.

-Nutriments considérés comme défavorables : calories, sucres simples, graisses saturées, sodium.

 

  • Le Nutri-Score conduit-il à de meilleurs choix nutritionnels ?

 

Plusieurs études suggèrent que le Nutri-Score pourrait être un outil efficace en prévention et une solution à l’explosion des maladies chroniques non-transmissibles comme l’obésité et le diabète. Mais elles ne sont pas très fiables car elles ont été faites avant la mise en place de l’étiquetage et elles ont été menées par l’équipe-même qui a conçu le Nutri-Score. Par ailleurs, ce qui est mesuré dans ces études est un équilibre global du régime ; il est donc délicat de l’extrapoler au choix d’un seul aliment.

 

Seules des études d’intervention en condition réelle, ou des études prospectives pourraient nous dire si le Nutri-Score améliore véritablement la santé des gens. Une seule étude en condition réelle a été menée en 2021, dans de vrais supermarchés, pour évaluer les effets de l’étiquetage nutritionnel. Dans cette étude, quatre modèles d’étiquetage français ont été appliqués (SENS, Nutri-Score, Nutri Repère et Nutri-Couleurs). Au début de l’étude, les consommateurs ont reçu une brochure d’information. Pour chaque groupe de produits, la brochure donnait deux exemples de l’utilisation de chaque label sur des produits de haute et de basse qualité nutritionnelle. Après la visite du supermarché, le contenu du panier d’achat a été examiné.

Les résultats ont été décevants. Par rapport aux résultats encourageants des études en conditions expérimentales, l’étiquetage a eu un effet non significatif. Le Nutri-Score a conduit à une amélioration très faible (2,5 %) de la qualité nutritionnelle du panier d’achat, qui concernait principalement les aliments fraîchement préparés. Il n’a eu aucune influence dans les autres catégories de produits. Et il est douteux qu’une amélioration de 2,5% du score nutritionnel basé sur quelques nutriments ait un effet sur la santé des consommateurs…

 

Conclusion : à ce jour, il n’existe aucune preuve scientifique que le Nutri-Score conduise à des achats plus sains dans un vrai supermarché. 

 

  • Les défauts du Nutri-Score

 

Le Nutri-Score est le fruit duréductionnisme en nutrition. Le potentiel santé d’un aliment n’est souvent défini que par sa composition nutritionnelle. Mais, un aliment c’est bien plus qu’une juxtaposition de nutrimentsSurtout que la plupart des aliments proposés par Big Food sont ultra-transformés : leur matrice a été dégradée. Le réseau structuré a fait place à un assemblage de constituants venant de sources diverses, que l’on relie entre eux avec des ingrédients qui ont pour but de rendre le produit moins cher, appétissant, goûteux et de le conserver plus longtemps.

Le Nutri-Score néglige l’impact de la transformation des aliments. En ne retenant que la présence de nutriments pour juger de la qualité nutritionnelle d’un aliment, ce système néglige l’effet matrice.

 

  • Le Nutri-score confond qualité et quantité

 

L’algorithme ne tient pas compte de la taille des portions. Cependant, tous les aliments ne sont pas consommés de la même manière. La pizza, par exemple, peut obtenir un score  » B  » ou  » C  » et l’huile d’olive recevra toujours la note  » C « .

Même si la pizza fournit une quantité acceptable d’énergie par 100 grammes, très peu de consommateurs ne mangeront que 100 grammes de pizza. L’apport énergétique sera donc probablement supérieur aux recommandations alimentaires. L’inverse est vrai pour l’huile d’olive, qui est généralement utilisée avec parcimonie.

L’approche réductionniste du Nutri-Score aboutit donc à des contradictions particulièrement gênantes qui lui font manquer son objectif. Le Nutri-score peut noter A ou B des aliments ultra-transformés. Inversement, plus du quart des produits notés défavorablement par le Nutri-score (C, D et E) ne sont pas des aliments ultra-transformés et représentent au contraire une part intéressante du régime alimentaire préventif lorsqu’on les consomme dans des quantités adaptées. C’est par exemple le cas des conserves de poisson, des huiles vierges, crèmes, beurres, mais aussi des chocolats et biscuits bien formulés.  Ou encore les fromages qui sont stigmatisés à tort avec des acides gras saturés non ajoutés et naturellement présents dans la matrice fermentée d’origine.

 

  • Une aubaine pour les industriels

 

En pointant du doigt des nutriments comme le sucre, les graisses saturées, le sel, les concepteurs du Nutri-score pensaient bien faire. Malheureusement, sans tenir compte de la qualité globale de l’aliment, ils ouvrent en réalité un boulevard aux industriels. À titre d’information,les aliments bien notés par le Nutri-score (scores A et B) représentent environ 30 % de l’offre en supermarché. Or plus de la moitié de ces aliments bien notés sont ultra-transformés !

 

Parmi les marqueurs d’ultra-transformation ou ACE (agents cosmétiques et économiques), les non-additifs comprenaient principalement des graisses/sucre/fibres/vitamines ajoutées, des isolats de protéines animales et/ou végétales et des exhausteurs de goût, tandis que les additifs comprenaient principalement des édulcorants et des exhausteurs de goût (moins de 40% de tous les ACE). Ceci laisse penser que les ACE sont ajoutés aux aliments pour améliorer les scores de composition.

 

Exemple avec le Chocapic de Nestlé :

En juin 2019, Nestlé annonce qu’il va adopter le Nutri-Score. Un de ses produits phare, les céréales Chocapic, a alors un Nutri-score C. À cette époque, 100 grammes de produit apportent 28,8 grammes de sucre et 0,38 g de sel. En 2020, cent grammes de produit apportent 25 grammes de sucre et 0,25 g de sel. Qu’est-ce qui a changé ? La teneur en sucre a été réduite de 13,2% et celle de sel (qui était faible) de 34%. L’huile de palme a été remplacée par l’huile de tournesol. Des changements à la marge, alors que le produit reste ultra-transformé. Avec ces changements de façade, Chocapic décroche un Nutri-score B, qui laisse entendre que le produit est de bonne qualité nutritionnelle et que la santé du consommateur va en bénéficier.

Est-ce réellement le cas ? Le consommateur avalera, pour une portion de 30 grammes de Chocapic, environ 1 gramme de sucre de moins par portion, et 0,04 gramme de sel en moins. Quels sont les bénéfices cliniques de ces différences ? Il n’y en a pas. L’index glycémique, sucre en moins ou pas, est aussi élevé, sinon plus, puisque les céréales ont subi des transformations poussées qui rendent leur glucose extrêmement disponible. Et tous les inconvénients de l’ultra-transformation, déjà décrits, demeurent.

Quel est le bénéfice pour Nestlé ? Presque total. Il n’a pas eu à bouleverser sa formulation de base, et va pouvoir utiliser le Nutri-score B pour mieux vendre Chocapic. Et c’est exactement ce qu’il fait. Nestlé a fait de ce « B » en 2020 et 2021 l’argument principal de sa campagne.

 

  • L’opposition au Nutri-Score

Les promoteurs du Nutri-Score sont conscients que leur système de notation est très imparfait, et l’objet de nombreuses critiques. Pour défendre leur étiquetage, ils ont rallié 270 chercheurs et médecins en 2021 dans un texte de soutien. En face, l’opposition au Nutri-Score vient d’abord des chercheurs et des organismes de recherche.

 

-Aux Pays-Bas, le ministère de la santé a opté en 2019 pour l’introduction du Nutri-Score à l’horizon 2022. Plus de 175 éminents scientifiques néerlandais spécialisés dans l’alimentation ont donc signé en 2019 une lettre urgente adressée au ministre pour l’avertir qu’un étiquetage nutritionnel simplifié sèmerait la confusion chez les consommateurs s’il ne correspondait pas aux recommandations alimentaires néerlandaises.

-En 2018, le ministère de la Consommation espagnol a annoncé qu’après avoir étudié différents modèles d’étiquetage simplifié, il exigerait la mise en place du Nutri-Score. Mais en février 2021, plus de 100 chercheurs espagnols de premier plan ont signé une déclaration pour s’y opposer.

-En Italie, l’opposition au Nutri-Score a fédéré l’ensemble des producteurs. Massimo Giansanti, président de la Fédération des agriculteurs italiens, relève que le Nutri-Score note fréquemment mieux les aliments ultra-transformés que les aliments traditionnels locaux : « Si nous en sommes à dire que les aliments transformés sont préférables à des aliments naturels, alors nous avons un problème. »

-En France, l’opposition au Nutri-Score, lancée notamment par les producteurs de Roquefort, a rassemblé les producteurs de fromages AOP (appellation d’origine protégée) et IGP (indication géographique protégée) de comté, fourme, pélardon, maroilles ou encore cantal, qui demandent à être exemptés de cette notation.

 

Bref, quand un algorithme suscite autant de confusion et rend aussi mal compte du réel potentiel santé des aliments il faut profondément le revoir…

Pour ces raisons, le moment est venu de demander sa suspension, voire son abrogation pour réfléchir à un étiquetage qui reflète réellement les connaissances nutritionnelles récentes et ne pénalise pas les vrais aliments !

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur les conséquences néfastes de l’alimentation transformée, n’hésitez pas à lire les autres articles de mon blog sur le sujet :

https://lesconseilsdebabsie.com/coaching/lalimentation-transformee-elle-vous-fait-grossir-et-vous-rend-malade/

https://lesconseilsdebabsie.com/coaching/douleurs-articulaires-attention-a-lacidite/

 

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    Reinhild, Babsie Steger
    Coach de Vie, Naturopathe, Chef Culinaire, Spécialiste en Hygiène corporelle, nutrition et motivation (en individuel ou collectif)
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